Jalouse
C’était il y a 5, 6 ans peut être, j’arrive à un âge où je n’ai plus vraiment la notion du temps. Bref, je revenais d’un week-end à La Rochelle, quand dans le TGV, me penchant pour récupérer ma valise, je me heurte légèrement à une femme qui faisait de même. Nous nous relevons de concert afin de nous excuser mutuellement et poliment, quand je croise son regard et m’aperçois qu’il s’agit ni plus ni moins de mon actrice préférée de tous les temps. Karin Viard. Pétrifiée de surprise je lui assène un débilissime : « J’adore ce que vous faites » accompagné d’un sourire tout aussi niais. Je pense que j’aurais eu moins honte si je lui avais dit qu’elle avait de la salade coincée entre les dents. Non mais franchement, j’adore ce que vous faites, quel sens du dialogue Emmanuelle, tu devrais écrire un blog…
Tout ça pour dire que cette femme je l’adore, elle peut tout jouer, pour moi c’est la meilleure. Découverte et adorée dans « La nouvelle Eve » je n’ai depuis manqué aucun de ses films. Comme certains auteurs dont on achète le dernier roman sans même lire la 4ème de couverture, je vais voir les films avec Karin Viard sans même m’enquérir de la bande annonce.
Une fois n’est pas coutume, j’ai découvert celle de « Jalouse » dès cet été et j’avais très envie de le découvrir sur grand écran.
Le pitch ?
Nathalie Pêcheux professeure de lettres divorcée, passe quasiment du jour au lendemain de mère attentionnée à jalouse maladive. Si sa première cible est sa ravissante fille de 18 ans, Mathilde, danseuse classique, son champ d’action s’étend bientôt à ses amis, ses collègues, voire son voisinage…
Tatie Danielle habillée en Prada. Jubilatoire !
Je m’attendais à une comédie plutôt légère mais je ne sais pas si c’est l’âge, les hormones, le talent de l’actrice ou un peu des trois, car si j’ai évidemment beaucoup ri avec des dialogues percutants, j’ai passé quasiment la moitié du film à pleurer.
J’ai longtemps pensé que je n’arrivais pas à lui en vouloir parce que c’était elle, alors qu’en fait je n’arrivais pas à lui en vouloir parce que c’était moi. Cette femme entière, Nathalie, c’est moi, c’est mon amie, ma mère, ma sœur, c’est toute la sensibilité des femmes et la difficulté d’en être une. C’est tout ce qui m’effraie mais que je peux comprendre. C’est tout ce que nous pouvons devenir un jour si nous nous oublions en chemin. C’est tout ce que la vie peut faire de nous si nous ne sommes pas vigilantes. C’est tout le poids de la société pouvant réussir à nous faire croire que nous ne valons plus rien au delà de 30 ans. C’est tout ce que nous risquons d’incarner si nous ne pratiquons pas cette fameuse autobienveillance dont nous avons déjà parlé ici.
C’est sans doute pour cela que nous aimons l’héroïne malgré les horreurs qu’elle distille tout au long du film.
« Jalouse » met aussi en lumière l’entourage de Nathalie qui, contrairement à elle, redouble de gentillesse et tente de la sauver. Elle n’est pas seule, ils veulent tous lui éviter de perdre pieds. C’est peut être même justement cette gentillesse qui lui est insupportable, et puis, nous le savons bien, la solitude est ailleurs, et nous sommes seuls à décider de qui nous voulons vraiment être. Dans « Jalouse », la renaissance vient de là où l’on ne l’attend pas et c’est terriblement poétique.
Les seconds rôles féminins sont très justes et même celle qu’on voudrait détester par solidarité féminine, la salope de nouvelle nana de l’ex mari, on n’y arrive même pas tant l’œil des frères Foenkinos est bienveillant à l’égard des femmes. Il passe haut la main le test de Bechdel et que c’est agréable.
J’ai lu sur des affiches que Karin Viard est dans « Jalouse » au sommet de son art, j’ajouterais en plus qu’elle n’a jamais été aussi belle, aussi féminine, aussi femme.
Une quadra vert foncé comme on aime chez Suzane Green, parfaitement imparfaite.
Courez y les yeux fermés et bouchez vous les oreilles quand son amie (et quelle amie: Anne Dorval toujours parfaite) parle de nourriture vegan 😉
Jalouse, de Stéphane et David Foenkinos est en salle depuis le 8 Novembre.
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