Le papillon au fond de la classe

J’ai eu la chance de découvrir en avant-première le magnifique film de Réjane Varrod intitulé « Cancre », diffusé lundi 18 septembre sur France 3, après le grand soir 3.

Particulièrement touchée par ce documentaire venu confirmer et compléter la lecture que j’ai pu faire de l’ouvrage de Charlotte Savreux « L’année du déclic »

Depuis toujours, sensible aux destins que l’on refuse, aux chemins que l’on se trace, aux beautés nées du chaos et à la résilience, je ne pouvais qu’aimer.

On y découvre le parcours de 6 personnages différents, célèbres ou anonymes, mais avec le point commun terrible d’avoir été un jour la personne que l’on rejette. Celle que l’on relègue au fond de la classe. Celle pour qui on décide que rien ne sera jamais possible.

Il n’est pas ici question de régler ses comptes ou de faire des reproches. C’est un constat malheureux de vies qui peuvent être brisées par un mot, une phrase, une attitude. Réjane Varrod que l’on sent personnellement impliquée dans cette thématique, a su capter leurs témoignages avec honnêteté et bienveillance. Une vraie complicité éclate à l’écran entre la réalisatrice et ses personnages qu’elle semble avoir choisis avec son cœur.

Tous ont souffert. Tous en ont pris plein la figure. Aucun n’a renoncé. Aucun n’exprime de rancune ou d’aigreur. Tous ont réussi. Tous veulent transmettre l’envie.

Il y les célèbres comme Bernard Campan ou Thierry Marx.

©13 Productions

Le solaire, Bernard, que l’on a connu drôle dans les Inconnus, mythique Antoine du cœur des hommes, et tendre dans « Se souvenir des belles choses». Il nous émeut par la sincérité de ses propos et son émotion à fleur de peau.

©13 Productions

L’étoilé, Thierry, qui sait trouver les mots justes pour nous aider à comprendre ce qui peut faire basculer une vie et le processus intellectuel dans lequel se retrouve une personne en difficulté scolaire. C’est criant de vérité et d’une logique implacable. Thierry n’est d’ailleurs pas que le cuisinier que l’on connaît, il est aussi fondateur de « Cuisine mode d’emplois », une école pas comme les autres qui tend la main aux « frères » du petit garçon qu’il fut.

Il y a le benjamin, Quentin, petit oiseau blessé en pleine construction. Il est le fil rouge du film, faisant des téléspectateurs des témoins fascinés de sa transformation. Quentin, la chenille devenue beau papillon. Quentin nous touche, il nous faire rire, pleurer et nous présente ses parents. Un couple qui offre toutes ses lettres de noblesse à la difficile fonction de « parents ». Ils ne lâchent rien, jamais. Ils sont à mes yeux héros de ce film, tout autant que les 6 protagonistes.

Il y a Marc et Jean Michel, charismatiques et volontaires, qui ont préféré gravir les marches 4 à 4 plutôt que d’attendre un hypothétique ascenseur social.

Et au milieu de tous ces hommes, face à Réjane, une autre femme meurtrie.

©13 Productions

Victime de brimades et de moqueries, Linda Ellia est comme un soleil qu’on aurait cherché à cacher. Chez Suzane Green on aime les femmes de caractère et Linda a cette flamme particulière qui vient vous réveiller. Artiste dans l’âme et sans doute un peu révoltée, Linda n’a eu de cesse tout au long de sa vie, de chercher justement la lumière cachée en chacun de nous. Comme dans le Cancre de Prévert, elle semblait juste vouloir dire oui à ce qu’elle aime et non au professeur. Son témoignage est poignant. Sa quête personnelle du sublime là ou tous les autres ne voient que de l’inutile montre à quel point les blessures de l’enfance sont longues à cicatriser.

Aujourd’hui peintre et écrivain, Linda s’attaque dans ses œuvres au cadre et à la forme, avec des projets atypiques, engagés et symboliquement forts comme « Hors classe » ou « Notre combat » , ce dernier d’ailleurs préfacé par Simone Veil Herself. Excusez du peu…

Mais je ne voudrais pas ici gâcher votre plaisir de partir à leur rencontre dans ce très beau film.
A voir et à revoir sur France 3. Diffusion Lundi 18 Septembre 23H30.

                         

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