Savon d’Alep, la renaissance d’une filière

Je vous ai récemment parlé de ma passion pour les savons naturels de qualité +++, dont la plus belle illustration est probablement le savon d’Alep. Oui mais voilà, les événements tragiques qui se sont produits en Syrie, ont détruit les sites de production et, de facto, mis à mal les filières en place.

Mais c’était sans compter sur l’incroyable volonté d’artisans et de partenaires des plus engagés comme la marque Karawan Authentic qui, depuis 2004, a mis en place un solide partenariat avec un maître-savonnier à Alep.

Fort de cette relation durable, Karawan authentic a pu maintenir la qualité de ses savons malgré le début du conflit en 2011 en Syrie, en continuant à soutenir une économie artisanale locale. Mais les évènements ont eu un impact considérable sur les lieux de fabrication : la majeure partie du vieil Alep où se trouvaient les savonneries historiques a été détruite. Cependant, de nouveaux moyens de production (en Turquie) se sont organisés pour permettre aux Alépins de continuer à valoriser l’économie agricole de la culture de l’olivier en faisant perdurer la production de savons.
Une bien jolie preuve que la BEAUTÉ, bien loin d’être futile, peut rimer avec ESPOIR & RÉSILIENCE !

Nous avons posé 5 questions à Christine Delpal pour en savoir plus sur les coulisses d’une telle reconstruction…

Christine, quelles relations entreteniez-vous avec la Syrie depuis la création de Karawan en 2004 ?
Nous avons créé Karawan dès l’origine en association avec notre partenaire savonnier, originaire d’Alep. Après avoir mis au point la gamme traditionnelle olive et laurier, nous avons structuré un entrepôt-atelier à Alep où il pouvait râper le savon pour faire des paillettes de savons, pour réaliser des mélanges avec l’argile ou avec des parfums.

Très familiers d’Alep par les nombreux séjours sur place, nous avons étendu avec lui une gamme de produits valorisant les savoir-faire exceptionnels des artisans d’Alep, pour constituer une gamme d’accessoires dans l’univers du hammam. Une gamme complémentaire des savons. De longs séjours sur place, en étant immergés dans sa famille  et son art de vivre, nous ont permis de sélectionner les ateliers avec qui nous pourrions développer des liens durables et créatifs. Ainsi, de 2004  à 2011, nous avons travaillé régulièrement sur place avec des artisans ferblantiers, menuisiers, verriers, marbriers…Alep était un centre artisanal de grande valeur très renommé sur la Route de la soie. Ses souks et ses caravansérails recelaient des trésors de savoir-faire. Nos liens avec la Syrie étaient très proches, et personnels par des relations devenues amicales avec de nombreuses familles de toute communauté. Cette région était méconnue de l’Europe et nous souhaitions en faire connaître toute la richesse historique, sociale  et culturelle.

Pourquoi avoir absolument tenu  à recréer la filière avec ce même partenaire ?
Depuis la guerre, de nombreux savons d’Alep sont arrivés sur le marché de toute provenance. Des stocks ont été pillés, puis revendus. D’autres se sont mis à les fabriquer en Tunisie et même en Chine, avec de forts dosages en huile palme. Cependant, pour qui ne connait pas ce qui constitue la valeur d’un savon d’Alep, ou s’intéresse seulement au prix, ces savons peuvent faire illusion. Nous avons été approchés par toutes sortes de revendeurs, la traçabilité et la qualité n’étaient pas au rendez-vous.

Une relation de confiance était solide et établie avec notre partenaire. Il a vu son entrepôt brûler, nous avons perdu avec lui des stocks de savons et d’objets en pneu qui devaient nous arriver dans un container. Nous étions réellement engagés et solidaires avec lui. Notre souci a été, durant tout ce temps de reconstituer avec lui une filière de qualité, sous son contrôle, avec des fournisseurs identifiés d’huiles d’olive et de laurier, avec le même process de fabrication du savon d’Alep. Il a fallu plusieurs années pour y arriver. Entretemps Karawan a été en rupture sur de nombreuses références, ne voulant pas dégrader son offre aux consommateurs par des savons de moindre qualité. Notre partenaire historique a su retrouver depuis 2017,  à 70 km d’Alep, coté turc,  les mêmes conditions de fabrication et de séchage du savon, en mobilisant une équipe dont une partie est originaire d’Alep.

Quelles actions concrètes avez-vous menées pour aider à cette reconstruction ?
Nous nous sommes engagés avec notre partenaire qui était sur place sur un volume de commande important pour justifier un engagement en amont d’identification des lieux possibles de production, des process, des ingrédients et des équipes à retrouver. Nous avons investi dans de nouveaux moules en bronze pour refaire nos formes de savons exclusives, si reconnaissables par leur raffinement inspiré de l’art oriental. Nous avons développé une gamme de parfums naturels en France à Grasse, en s’assurant qu’ils pourraient être retravaillés  dans la savonnerie avec notre savon Pure olive, puis formés, dans nos nouveaux moules. L’engagement financier par des commandes préfinancées a pu être le levier pour organiser toute la filière.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il a fallu mobiliser une forte trésorerie. Ensuite, sur place, travailler avec les équipes pour faire et refaire des prototypes qui correspondent exactement à nos attentes, en termes de finition, en mobilisant les artisans pour obtenir le niveau de qualité attendu. Mais ceci est la condition de tout développement. Paradoxalement, le contexte local très tendu n’a pas été un frein à la motivation de tous de bien travailler ensemble. Les Syriens qui circulent maintenant entre la Syrie et la Turquie sont extrêmement actifs, et dynamiques pour contribuer à restructurer une activité économique locale, en lien avec leur tradition et leurs ressources agricoles, pour qu’elle perdure et fasse vivre leur famille.

En cas quoi ces savons sont-ils uniques et de grande qualité ?

  • Du fait de la sélection des huiles d’olive et de laurier, qui sont des huiles nobles, riches de vertus pour la peau et les seules huiles utilisées pour fabriquer nos savons.
  • Du fait du processus de  fabrication traditionnelle de cuisson des huiles au chaudron, qui conservent leur glycérine naturelle et les acides gras, précieux insaponifiables qui lavent et nourrissent la peau, en respectant le film hydrolipidique.
  • Pour la gamme parfumée, de savons solides et liquides : par la valeur des ingrédients qui composent nos 3 parfums 100 % d’origine naturelle.
  • Par l’originalité des senteurs qui ont été conçues par Karawan en collaboration avec un « nez de Grasse » et qui offrent un vrai parfum à la fois subtil et complexe, qui s’adapte à la base de savon Pure olive, sans la couvrir complètement. Un vrai parfum qui n’est pas une senteur simple de synthèse.
  • Par le raffinement des boîtes et coffrets en carton kraft, dont certains sont dorés à l’or chaud.

D’ici quelques jours, Karawan lancera deux nouvelles (et sublimes !) gammes de Savons d’Alep solides (l’une parfumée et l’autre non). Une bien belle illustration de cette filière reconstituée. 

Pour découvrir la marque : www.karawan.fr et dans la boutique KARAWAN : 23 rue Auguste Comte 69002 LYON

 

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