Les portes de Molitor

Camille aimait le sport plus que tout au monde. Enfin presque. Son plaisir quotidien était de se rendre à son club fétiche, MOLITOR. Un endroit unique et magique dont elle ne se lassait pas. Camille mesurait chaque jour la chance qu’elle avait d’y être membre depuis plus de 3 ans. Elle aimait y nager, y danser, y tenter de sculpter ce corps si rebelle dont elle n’avait pas toujours pris le plus grand soin. Aller à Molitor était comme une bouffée d’oxygène, une échappée belle au coeur de Paris, un luxe à portée de quelques coups de pédales. Camille aimait cette sensation enivrante qu’elle éprouvait dès qu’elle enfourchait son vélo blanc (avec sa petite chaine rouge qui n’était pas sans lui rappeler ses escarpins de femme fatale à semelles de la même couleur…).

21 juillet 2017. 9h25. Camille se réveilla de très bonne humeur, malgré une nuit quelque peu agitée. Pendant quelques secondes, elle crut qu’elle ne s’était pas réveillée pour aller travailler puis elle esquissa un sourire en se rappelant qu’elle avait pris sa journée pour la passer à Molitor. Elle se prélassa encore quelques instants puis se dépêcha de se préparer et dévala à toute vitesse la rue Dailly de Saint Cloud sous un ciel d’un bleu immaculé. La journée s’annonçait sous les meilleurs auspices. Mais Camille était loin de se douter de ce qui l’attendait. Comment aurait-t-elle pu ?

Camille avait donné rendez-vous à ses deux amies, Iris et Bianca à 10 heures tapantes devant le 8 avenue de la porte Molitor. Elles les avaient rencontré quelques semaines auparavant et entre elles trois, le courant était immédiatement passé. Camille adorait leur joie de vivre, leur belle énergie et surtout leur humour. Pour rien au monde elle ne manquait un cours d’aqua plaming en leur compagnie, Avec l’auto-dérision qui les caractérisait, elles avaient créé un groupe WhatsApp surnommé LES SIRÈNES DE MOLITOR.

Camille, arriva avec 10 minutes de retard. Elle se dépêcha de rejoindre les vestiaires femme qui se trouvaient au sol-sous. Elle y retrouva Bianca et Iris, déjà prêtes avec leur joli maillot de bain une pièce.

– Coucou Camille, scandèrent-elles en même temps avec une jovialité dont notre héroïne ne se lassait pas. On monte au bassin d’été, tu nous rejoins vite ?
– Bien sûr les filles, je fais vite…

Le casier N°43 que Camille avait coutume d’utiliser (qu’elle considérait d’ailleurs comme son casier) était pris ce jour là. Elle tenta sa chance avec le casier 41 mais n’en eut pas davantage. Chose très inhabituelle, tous les casiers étaient fermés. Contrariée de perdre du temps, elle sortit des vestiaires pour aller demander de l’aide à une hôtesse du Spa. Avec bienveillance, une jeune femme lui proposa de la conduire dans un autre vestiaire. Camille prit ses affaires et la suivit, commençant à stresser car le cours n’allait pas tarder à commencer.

Pudique et peut-être un peu schizophrène, elle s’enferma à double tour dans la seule cabine d’essayage de cet endroit dont elle ignorait jusqu’alors l’existence. Elle se tortilla dans tous les sens pour enfiler ce maudit maillot très (trop) étroit pour lequel elle avait eu la coquetterie de prendre une taille en dessous. Quand soudain Camille entendit un petit déclic, sursauta et découvrit alors que le mur du fond de la cabine n’était en fait qu’une porte secrète. Elle était excitée à l’idée d’aller vers l’inconnu. Elle poussa fébrilement la porte s’attendant peut-être à y trouver derrière un monstre ou une horde de rats affamés, mais il n’en fut rien. Curieuse, Camille se dit qu’elle n’avait rien à perdre à se laisser tenter par la découverte d’un tel passage. Elle avança pendant de longues minutes dans un couloir bien sombre et des plus exigu. Puis elle ouvrit enfin une petite porte en bois et se retrouva dans l’une des anciennes cabines qui se trouvaient sur la coursive supérieure autour du bassin d’été.  Elle s’assit puis perdit connaissance quelques minutes. Elle fut réveillée par une voix familière (enfin qu’elle croyait familière). Un homme venait en effet de frapper à la porte de cabine à disant : « Mademoiselle, est-ce que tout va bien ? « 

Camille s’exclama spontanément « Georges, c’est toi, mais que fais-tu dans cet accoutrement ? « .
L’homme répondit : « Mademoiselle, je m’appelle Charles et je suis votre aimable garçon de cabine.  Elle insista mais en vain… L’homme lui répondit qu’elle devait faire erreur et l’invita à sortir de la cabine, ce qu’elle fit sans se faire prier. En sortant, Camille n’en cru pas ses yeux et se mit à vaciller. Car si Camille se trouvait bien à Molitor, il apparut comme une évidence qu’elle n’était pas..en 2017.

Avec une petite voix tremblante, elle se tourna vers Charles et lui demanda :
– quel jour sommes-nous s’il vous plait ?
– dimanche 21 juillet.
– vous voulez-dire vendredi 21 juillet.
– non, non mademoiselle, nous sommes dimanche. Dimanche 21 juillet 1929…

A nouveau, Camille faillit perdre connaissance, mais il n’en fut rien. Elle avança et s’agrippa à la balustrade. A quelques mètres en contrebas, elle n’en croyait pas ses yeux. Un spectacle aussi improbable que fantastique s’offrait à elle. Des femmes et des hommes en maillot rétro souriant, rigolant et virevoltant sur un plongeoir qui avait jaillit comme par magie.

Camille descendit l’escalier qui la séparait de la piscine. Tous les regards se portaient sur elle. Il faut dire qu’avec son maillot (trop) moderne pour l’occasion, ses tongues (pas encore) fashion et une paire de palmes rose fushia dans la main droite, elle ne pouvait pas passer inaperçue.
Camille commença à prendre toute la mesure (incroyable mais vraie) de la situation. Elle se pinça mais cela ne servit à rien. Car à quoi bon se pincer quand de toute façon un rêve nous semble aussi vrai que nature.

Qu’elle avait l’air gauche planté là au milieu d’un endroit qui lui était familier mais qu’elle ne reconnaissait presque pas.

Soudain elle se retourna brusquement interpellée par une voix très masculine : « madame, vous venez pour le cours de natation ? Je m’appelle Johnny et je suis le maître nageur qui va vous faire cours. » 
Le souffle de Camille se raccourcit brutalement. Le visage de cet homme ne lui était pas complètement étranger. Elle réfléchit et comprit enfin….
L’homme qui lui avait parlé n’était autre que Johnny Weissmuller, quintuple médaillé olympique, qui officiait en tant que maître-nageur durant l’été 1929.

Elle répondit machinalement  : « Oui je viens pour le cours… »
Johnny fit l’appel et soudain Camille entendit un prénom qui ne pouvait la laisser indifférente …

– Suzane ?

– Présente…

Camille croisa dans la minute qui suivit le regard de Suzane. Elle n’avait pas de mot pour décrire sa beauté singulière. Une beauté qu’elle avait pu admirer à maintes reprises sur une photo en noir et blanc que sa maman aimait lui montrer. Suzane, sa grand-mère, qu’elle n’avait malheureusement connu que très furtivement.

Dans les 60 minutes qui suivirent, Camille vécu un moment aussi improbable que magique. Un cours rythmé par les scandes de Johnny et empreint d’une grande émotion à nager dans la ligne voisine de Suzane. Elle nageait vite, avec une détermination qui ne l’étonnait guère. Camille mit toute son énergie à la dépasser mais … en vain. Suzane avait 30 ans, Camille 46.
Après le cours, Suzane sortit de l’eau et s’allongea à même le sol sur le ciment comme pour ne faire plus qu’un avec ce sol mythique…

 – Camille tu dors ? 
C’était la voix de Bianca qui lui frappa sur l’épaule.

Camille se réveilla et comprit, à regrets, qu’elle avait rêvé. Elle mit quelques minutes à se remettre de ses émotions.
Il commençait à faire froid. Iris et bianca lui proposèrent de regagner les vestiaires pour prendre une douche bien chaude. Elle les suivit.

En sortant de la douche, Camille sortit de son casier ses affaires. Elle chercha dans son sac le lait pour le corps qu’elle adorait tant et tomba soudain sur un objet qu’elle laissa tomber sur le sol, tant sa surprise était grande. Il s’agissait d’un livre, plus précisément d’un roman.  Mais ce livre ne lui appartenait pas. Elle le ramassa, l’ouvrit et tomba sur le petit mot manuscrit qui se trouvait sur la 2ème de couverture. Elle s’assit et le lut à voix basse pour ne pas attirer l’attention de ses 2 amies.
« A toi ma petite fille
Tu dois certainement penser que tout ceci n’est qu’un rêve..
Saches qu’il n’en est rien.
Tu connais maintenant le chemin. Fais-en bonne usage.
Tu n’es pas venue par hasard.
Je t’embrasse fort »
SUZANE

To be continued…..

5 Commentaires
  • Christine

    7 novembre 2017 at 14 h 23 min Répondre

    Une histoire comme j’aime ! biz

    • Sophie

      7 novembre 2017 at 17 h 59 min Répondre

      Mille mercis !!!!
      Sophie

  • LOU RIGA

    7 novembre 2017 at 17 h 53 min Répondre

    MA-GNI-FI-QUE !!!!!!! Belle et originale histoire …… qui m’ont tiré les larmes …. il faut dire que j’ai tendance à me mettre dans la peau des personnages, et que je m’imaginais être Camille ……
    Bravo Sophie !

  • Sophie

    7 novembre 2017 at 18 h 02 min Répondre

    Vous ne pouvez pas savoir combien votre commentaire me touche… Cela me donne envie de continuer !

    Merci infiniment Lou !!!

  • LOU RIGA

    7 novembre 2017 at 21 h 12 min Répondre

    Mais j’y compte bien !!!!!!! A bientôt, de vous lire !