Des plantes bioluminescentes pour une lumière durable
BIOLUMINESCENCE… Retenez bien ce mot car vous risquez d’en entendre beaucoup parler dans les mois à venir.
Kézako ? Je ne vais rien vous dévoiler car j’ai eu l’immense privilège d’interviewer Rose-Marie Auclair, biologiste de formation. Avec son « partner in green », Ghislain, également biologiste, ils ont eu une idée tout simplement GÉNIALISSIME (et je pèse mes mots) : créer, en 2018, Woodlight, qui propose des plantes bioluminescentes pour faire rimer écologie et poésie.
Une solution basée sur les superpouvoirs de la nature pour offrir aux villes du monde entier une sobriété énergétique garantie, ainsi qu’un environnement dépolluant et poétique. Qu’on se le dise, avec ses plantes qui émettent leur propre lumière de manière autonome, Woodlight cultive la lumière de demain. Et ça, on adore !
Après avoir créé les premières cellules végétales bioluminescentes en France, Woodlight lance une campagne de financement participatif qui connaît un franc succès dans la seule optique de mettre sur le marché les premières plantes à émettre leur lumière de manière autonome. Rendez-vous pour cela en 2024, mais découvrons sans plus attendre les réponses de Rose-Marie à nos interrogations.
Rose-Marie, quelles sont les différences entre fluorescence, phosphorescence et luminescence ?
La bioluminescence, c’est tout simplement la production de lumière par des êtres vivants, tels que les lucioles, les méduses, certains champignons ou poissons.
Nous connaissons la fluorescence ou la phosphorescence, qui sont assez présentes dans notre quotidien, mais là où ces phénomènes impliquent un apport de lumière pour délivrer ensuite un éclairage, la bioluminescence, quant à elle, ne nécessite aucun apport lumineux.
Quels sont les avantages de la luminescence par rapport aux deux autres propriétés ?
La bioluminescence ne nécessite aucun apport lumineux, ce qui signifie que, dans un noir complet, elle continuera à émettre, sans limite de temps. Cette capacité unique aux êtres vivants offre la possibilité de rendre stables nos lumières, avec une pérennité sans égale.
Contrairement aux deux autres phénomènes, il n’y a donc pas de consommation électrique, pas d’ajout de molécules chimiques, et une recyclabilité à 100 % possible.
Comment a germé le concept de Woodlight ? En regardant Avatar ?
Avatar nous a confortés dans notre idée, en imageant ce que nous nous imaginions. Notre idée vient plutôt de voyages réalisés après nos doctorats respectifs. En nous promenant dans de grandes villes, nous avons ressenti ce besoin grandissant de verdure et de respiration dans un monde de béton et de gris. Apporter des plantes ne se fait pas de manière assez évidente aujourd’hui. Biologistes de formation, nous avons du coup pensé à la bioluminescence. En mêlant cette capacité extraordinaire d’animaux terrestres aux plantes, nous créons une lampe qui répond aux problématiques d’économie d’énergie des villes, tout en y ajoutant de la verdure et de la respiration dépolluante. Le projet était né.
Quelles ont été les différentes étapes depuis 2016 ?
En 2016, nous nous sommes formés à l’entrepreneuriat et avons testé l’idée via des concours de création de start-up. Ceux-ci confortant notre projet, en 2017, nous avons monté un second projet, cette fois de création de laboratoire, avec l’aide de l’université de Strasbourg et la ville de Strasbourg. Ensemble, nous avons fondé en 2018 le Biotech-Lab, le premier laboratoire de biotechnologie d’une université, ouvert à de jeunes startuppers scientifiques, dont les projets ne sont pas issus de la recherche académique. Cette même année, nous avons créé l’entreprise et avons concrétisé notre preuve de concept in vitro grâce à ce laboratoire. En 2019, nous avons été incubés et avons reçu de premiers financements pour notre société via différentes institutions. En 2020, la Covid-19 nous a beaucoup ralentis, avec notamment une fermeture partielle du laboratoire. En 2021, nous avons obtenu une preuve de concept in vivo, c’est-à-dire des premières cellules végétales luminescentes. Celles-ci nous ont permis de déposer un premier brevet sur notre technologie. En 2022, nous avons confirmé ces résultats et démarré un partenariat avec un industriel de la lumière. Dès le printemps de cette même année, nous avons entamé les démarches pour réaliser une levée de fonds. Démarches achevées en février 2023, avec l’octroi des financements nécessaires pour la suite : deux recrutements à venir en mars 2023 et des prototypes de plantes entières dès 2024.
Quels obstacles avez-vous rencontrés ?
La difficulté de ne pas avoir un projet issu de l’académie. Et donc l’impossibilité d’accès à certains financements de maturation délivrés par l’État pour les technologies deeptech.
Le fait de ne pas avoir un accès rapide et simple à un laboratoire pour effectuer notre première preuve de concept. Un grand merci à l’université et la ville de Strasbourg d’avoir entendu notre appel.
La prise de mauvais conseils et le manque de discernement parmi ceux qui vous veulent du bien, et ceux qui veulent votre projet.
Vous avez créé le premier Biotech-Lab de France au sein de l’université de Strasbourg. Quelques mots sur cette folle aventure ?
Monter le projet fut tout d’abord très intéressant : rencontrer l’université, différentes institutions en France et à l’étranger, convaincre la ville, trouver des financements, monter un cadre juridique…
Mais c’est surtout son ouverture qui fut exceptionnelle. Avoir la possibilité de donner accès à notre projet, bien sûr, mais aussi à d’autres projets pour simplement leur faire prendre vie était génial.
Par la suite, Ghislain est devenu le manager de ce laboratoire en parallèle de son activité pour Woodlight. Il a donc dû se former au secourisme de travail, à la prévention de laboratoire, à la gestion des stocks, trouver des dons de matériel, des financements, etc. Toute une aventure parallèle, qui n’a fait qu’accroître notre réseau et nos compétences.
Les plantes luminescentes n’existant pas dans la nature, à quelles transformations devront-elles être soumises pour émettre de la lumière ?
Il s’agit de leur transférer les capacités qui existent chez d’autres organismes pour qu’elles puissent produire de la lumière d’elles-mêmes. Elles seront donc capables d’elles-mêmes de faire de la bioluminescence.
Un fort développement de Woodlight pourrait-il nuire à biodiversité et fragiliser les écosystèmes ?
Les plantes bioluminescentes Woodlight sont imaginées et élaborées dans le plus grand respect de la nature et de l’humain. Elles ont pour buts premiers de dépolluer les villes et reconnecter leurs habitants à la nature en répondant au besoin d’éclairage, qui représente 15 % de la consommation d’énergie mondiale.
Ces plantes seront 100 % recyclables et seront rendues infertiles afin qu’elles ne puissent pas se multiplier et perturber les écosystèmes environnants. Néanmoins, leur culture sera facilitée et transmise afin de garantir leur accessibilité.
La modification génétique des plantes doit-elle ou non faire débat ?
Les débats sur ce sujet ont déjà eu lieu à maintes reprises ces 20 dernières années. En 20 ans, les technologies de biologie ont beaucoup évolué et, aujourd’hui, elles sont très précises et sûres. Les biotechnologies peuvent vraiment apporter une réponse au monde de demain, et ceci pour plein de problématiques que nous vivons actuellement. Ce n’est pas un débat qui doit avoir lieu, mais plutôt de plus grandes communication et transparence entre le monde de la recherche et le grand public. Simplement expliquer comment les choses sont faites. Aujourd’hui encore, les technologies, dans tous les domaines, paraissent souvent obscures car complexes et peu comprises. Nous pensons qu’une bonne communication et des explications permettraient de résoudre cela.
Quelle sera la première variété de plante dépolluante bioluminescente que vous allez développer ?
La première plante sera un plant de tabac. Les autres variétés ne sont pas encore définies, mais notre choix s’arrêtera bientôt.
Nous utilisons les plants de tabac car ce sont des plantes modèles à croissance rapide et que l’on sait bien cultiver en laboratoire. L’idée pour nous est de développer un prototype le plus rapidement possible.
Quand sera-t-elle en vente et à quelle fourchette de prix ?
Les premiers plants seront en vente fin 2024, début 2025. Ils ne seront pas accessibles au grand public mais plutôt à des entreprises spécialisées, notamment dans la décoration ou l’architecture. Pour le grand public, il faudra attendre encore quelques années, que Woodlight soit en mesure de proposer le produit le plus adapté à un marché de cette ampleur, et à des prix accessibles.
Les domaines d’application de la bioluminescence sont vastes. Quelles sont vos priorités vers les entreprises et vers les consommateurs ?
La priorité numéro 1 est la disposition du marché des entreprises de la décoration et du design pour une population haut de gamme. Cela car, d’une part, nos premières plantes seront les premières plantes bioluminescentes et intéresseront certaines personnes pour ce caractère particulier. D’autre part, grâce à ces ventes, nous pourrons réaliser un chiffre d’affaires qui rentabilisera nos années de développement.
Par la suite, nous ciblerons le marché professionnel de l’urbanisme, même si nous le développons en parallèle, afin d’apporter notre bioluminescence à nos villes.
Enfin, nous viendrons sur le marché des particuliers, qui nécessitera une capacité différente de Woodlight pour y répondre.
Le mot de la fin ?
Cette aventure extraordinaire, nous souhaitons la vivre ensemble, que chacun puisse y participer. D’où l’ouverture, cet hiver 2022-2023, à une campagne de financement participatif par de l’investissement, et qui a parfaitement montré l’intérêt du grand public pour cette solution d’avenir.
Nous nous sommes lancés dans ce projet parce qu’il répond aux problématiques humaines de manière claire, avancée et sans causer de nouvelles perturbations. Nous n’allons pas ajouter de la lumière, nous allons la remplacer et la complémenter.
Notre baseline correspond tout à fait à notre vision : « Ensemble, cultivons la lumière de demain. »
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