In love with By manet

Les coups de coeur arrivent bien souvent sans qu’on s’y attende…
Cela résume bien ce que j’ai ressenti le jour où j’ai découvert le travail d’Emmanuel Musset. Une flèche artistique en plein coeur tellement son travail est d’une beauté sans égal…

Il faut dire qu’avec un master 2 de Céramique à l’école de La Cambre à Bruxelles, un diplôme des Métiers d’Art en gravure en modelé de l’école Boulle à Paris, un Bac STI arts appliquées et l’Ecole Steiner…. il aurait été dommage de ne pas avoir de talent…Mais est-ce que le talent seul suffit pour procurer d’intenses émotions ? Personnellement, je ne pense pas…
Il y a forcément un « je ne sais quoi en plus… »

Alors, nous n’avons pas résister à l’envie de poser quelques questions à Emmanuelle Musset….

Bonjour Emmanuelle- Selon vous, pour quelles raisons les métiers d’art font-ils un retour en force ?
Le retour des métiers d’art au cœur de nos vies illustre les changements de paradigmes radicaux que vit notre époque. Aujourd’hui nous sommes en plein bras de fer entre les proportions indécentes et catastrophiques que cette course à la consommation a générées et l’obligation de décroissance. En fonction de cette réalité, chacun réagit en partant dans la direction qui lui convient mais cette ré-émergence des métiers d’art symbolise une voie lumineuse de l’espoir. Ces métiers d’arts proposent de faire entrer le beau dans nos vies avec un retour aux vraies valeurs telles que le fait main, la qualité et la pérennité des objets. Le travail manuel, concret et sensible de l’artisan réduit les distances humaines et physiques, les valeurs locales sont de nouveau mises en valeurs. Le concepteur/fabricant trouve sa juste place, celle d’une personne réelle qui au-delà de son savoir-faire raconte et transmet une histoire à travers ses objets.

Pourquoi avoir choisi la céramique ?
J’ai découvert la céramique lors d’un entretien d’embauche après mes études de gravure en modelé à l’Ecole Boulle. J’ai alors décidé de poursuivre mes études pour m’orienter dans ce nouveau domaine. J’ai toujours été pluridisciplinaire dans les techniques et les matières, et la céramique s’est imposée comme un médium aux multiples possibilités. De l’art de la table, aux bijoux, de la sculpture au modelage, du tour à l’émail, j’aime explorer toutes les possibilités qu’elle offre.

Quelles qualités la céramique doit-elle avoir pour être résolument contemporaine ?
L’art contemporain, c’est celui de notre époque. C’est toujours difficile d’en parler et de l’analyser car il est en constant renouvellement et l’on n’a pas encore eu le temps de l’intégrer. Est-ce qu’un vase imprimé en 3D est plus contemporain qu’un vase réalisé en colombin créé la même année (technique ancestrale de montage de parois avec des boudins) ? Je ne crois pas car leur temporalité reste la même ; seul changera le discours, l’approche formelle et le traitement de l’artiste. Cela peut paraître évident ou très subtil mais la reconnaissance ou l’appartenance d’une céramique contemporaine, ou de l’art plus généralement, demande selon moi une investigation au-delà de l’apparence, un travail dans la conscience du passé et des nouvelles possibilités, un discours conceptuel à partager.

Comment décririez-vous la signature artistique de vos créations ?
J’aime l’impression de ne pas avoir d’identité visuelle au style exclusif. Je m’accorde cette liberté de ton et d’approche qui me semble à contre-courant de la tendance actuelle. Cela invite à chercher une connexion plus subtile entre mes différentes créations. Si une collection semble issue de ma période bleue et une autre de ma période rose, il y a toujours entre elles un lien au-delà des apparences, un point de départ, une ligne de conduite fluide, un sens des volumes. J’aime mélanger mes savoir-faire, jouer avec les matières pour créer des objets uniques. Si leur utilité questionne parfois, j’ose imaginer que leur beauté fait du bien à l’âme !

Quelles sont vos sources d’inspiration au quotidien ?
Pour mes lampes, je m’inspire de l’ambiance de Venise où j’ai séjourné 6 mois en Erasmus. J’y ai côtoyé l’univers de Mariano Fortuny, un designer précurseur qui avait adopté cette ville et j’ai cherché à me rapprocher de la lumière douce et diffuse de la Sérénissime.

Depuis toujours, j’aime l’univers des musées et mon inspiration vient de mes voyages en Italie où je me rends souvent.

Mon atelier, avec ses baies vitrées ouvertes sur un jardin, est entouré d’arbres et de fleurs. La visite d’une mésange me plonge en permanence dans un contact avec la nature et l’eau sur les bords de la Bièvre, propice à la création.

 ©Marion Saupin

Faire appel au financement participatif et à l’aide de votre famille pour créer l’atelier de vos rêves dans l’Essonne à Igny, un rêve des temps modernes ?
Le financement participatif est effectivement un moyen actuel de construire ses rêves. J’aime son fonctionnement qui fait appel à la solidarité, à la confiance et à l’échange. C’est un système, malgré son apparente accessibilité, qui demande une grosse préparation et fait appel à de nombreuses compétences, ce qui est très formateur ! La plateforme de crowdfunding KissKiss BankBank qui m’a accompagné sur mon projet et je reste en lien avec eux …

Pour ce qui est de ma famille, le soutien familial est au-delà d’une temporalité et j’ai la chance qu’il soit puissant et actif !

Comment avez-vous intégré vos convictions écologiques dans vos créations et votre mode de travail ?
Grâce à la maîtrise de la construction de mon atelier, j’ai pu inscrire dans ses fondations même mon engagement pour l’environnement en le construisant en ossature bois. Les plans de travail, l’évier, une partie du sol et les lampes sont de la récupération. A l’origine, la céramique n’est pas un secteur très écologique (cuisson électrique, émaux…) ; à mon échelle, j’ai revu toute ma façon de travailler pour qu’elle soit la plus « green » possible. Par exemple, je fais extrêmement attention à ma consommation d’eau et j’ai relié un robinet directement à une réserve d’eau de pluie. Mes emballages sont issus de la récupération et l’hiver chaque cuisson me chauffe 2 ou 3 jours.

Ma collection Terre et Verre est basée sur une logique d’éco-design. En partant d’un élément déjà fabriqué en verre de seconde main, elle lutte contre la consommation abusive : une étape de fabrication est supprimée, et le besoin en nouvelle matière est réduit. La pièce en verre aux lignes particulières m’inspire pour trouver la forme qui va la compléter. Grâce à l’action manuelle du tournage, je peux m’adapter aux dimensions spécifiques de chaque verre et avec cette extension, lui redonner du sens, une seconde vie à la personnalité unique et aux lignes épurées, actuelles et contemporaines.

SUZANE est très très fan de la LAMPE FLUIDE. Parlez-nous un peu d’elle…
Cette lampe fait partie de la collection Confluence, une autre manière d’interroger la terre et l’émail. En poussant ce dernier dans ses limites et en lui attribuant de nouvelles fonctions, hors du tesson de terre, l’émail se rapproche du verre et devient une nouvelle matière « verrémail » presque indépendante qui goutte et se répand, se diffuse et connecte. Il peut être structurel en devenant piétement, ou translucide pour diffuser la lumière.

Cette lampe d’un point de vue technique est extrêmement capricieuse à fabriquer et sa forme découle assez prosaïquement de besoins techniques de cuisson. Si le centre se creuse vers l’intérieur, c’est un emplacement indispensable à un support élévateur pour créer l’espace nécessaire à la formation des gouttes. Ces fameuses gouttes se forment aléatoirement lors de la cuisson et dépendent surtout de la courbe de température du four et d’une multitude de paramètres tels que la quantité et la pose de l’émail.

©Laura Francois

Plus poétiquement, cette lampe exprime l’impression d’un moment figé où le « verrémail » reste fluide et immobile dans son effondrement. L’émail ne dépend plus du tesson de céramique, il s’en échappe pour transformer et compléter l’objet en une matière quasi autonome. L’émail surpasse son rôle de couverture et mue vers une nouvelle substance. Les deux matières, argile et émail, se complètent dans un dialogue utile ou chacune s’exprime et se connecte l’une à l’autre à leur confluence.

Encore plus conceptuel, les gouttes suspendues représentent l’homme figé dans une inaction transitoire et lui rappellent son incapacité à s’engager dans un changement radical… Ses savoirs amassés au fil des temps, le pouvoir qui lui échappe, l’entraînent à détruire son passé et son avenir. Au fond de nos êtres, la vision de cet effondrement à venir nous appelle et éveille un sursaut de conscience. Entre l’ombre et la lumière, la frise translucide fait le lien entre cette masse sombre qui tente de la recouvrir et la lumière à la source invisible, celle qui nous habite.

Quelques mots sur les stages que vous organisez et les cours particuliers que vous donnez ?
Mon atelier étant d’une dimension très intime, je mets à disposition mon espace et mes conseils pour des leçons particulières très décontractées, en même temps que je travaille. Le tarif est ainsi plus abordable pour accompagner des projets personnels.
J’organise aussi des dimanches céramiques à thème pour venir réaliser en petit comité des services à café, des couronnes de fleurs ou des pots de fleurs. C’est également possible d’organiser des formules sur mesures pour des cadeaux d’anniversaire par exemple.

Si vous étiez une couleur ? Pourquoi ?
Le bleu est le colorant le plus précieux. C’est de l’oxyde métallique de cobalt et peu importe la base d’émail dans lequel je l’incorpore, il sera toujours réussi !

Si vous étiez l’une de vos créations ? Pourquoi ?
Une petite coupelle de test où j’ai gravé un poisson en bas-relief qui semble nager dans une eau vert-bleue d’émail.  Elle me semble tellement parfaite que je doute un jour de pouvoir reproduire son équilibre parfait !

Si vous étiez un souhait ? Pourquoi ?
Vivre de cette passion à qui je consacre mes journées, et rester libre de créer sans compromission.

Si vous étiez un mantra ?
Créer est ma liberté, persévérer est son chemin !

Cet interview vous a plus et vous avez envie d’en savoir davantage sur le sublime travail réalisé par Emmanuelle ?
Alors, c’est par ici

Crédit photos :  ©Marion Saupin pour les photos prises dans l’atelier d’Emmanuelle

et pour suivre Emmanuelle sur insta : @bymanet

 

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