Le temps d’un battement de cils

Le temps d’un battement de cils, sans m’en apercevoir, sans y penser mais aussi sans surprise ; un matin, je me suis réveillée et j’avais 40 ans.

Le drame de ma vie.

On avait beau me dire que c’était le plus bel âge pour une femme, je ne voyais franchement pas ce qu’il pouvait y avoir de beau dans le fait de vieillir, de se rider, d’être davantage fatiguée et surtout de se faire appeler Madame, sans jamais d’exception. Ou plutôt si, l’exception odieuse et sournoise de l’interlocuteur qui sait pertinemment qu’il doit vous appeler Madame mais qui dit Mademoiselle avec ce bon vieux clin d’œil complice et  ô combien humiliant. Oui, non, franchement j’ai très bien vécu ce passage à la quarantaine.
D’ailleurs, rien que le mot quarantaine me donne la nausée. Son autre signification est merveilleuse…L’isolement pour cause de maladie contagieuse… Voilà c’est exactement ce que j’ai ressenti à 40 ans : victime d’une épidémie (toutes mes copines avaient la même) et vouée à l’isolement (bon ok j’ai tendance à exagérer !)…

Aujourd’hui j’en plaisante, mais cet état « d’incubation » a duré quelques années chez moi. Années pendant lesquelles j’ai cru avoir perdu à tout jamais, en vrac et sans ordre de priorité : mon insouciance, mon pouvoir de séduction, mon énergie, ma virginité, mes crises de rire, mes folies, mes belles années, ma vue, ah non la perte de la vue c’est bien réel…

Comme il me restait quand même un cerveau et un cœur, j’ai tenté de les reconnecter et au bout de quelques tentatives infructueuses, le miracle s’est produit : j’ai assumé mon âge ; mieux, j’ai décidé d’en profiter pleinement.

J’ai très vite constaté que finalement rien n’avait changé, que de toute façon j’avais toujours et pour toujours 25 ans dans ma tête, que je pouvais toujours rire des soirées entières avec mes copines (même si je devais finir plus tôt pour mieux récupérer !), que je pouvais recevoir le sourire d’un inconnu (qui vous offre des fleurs… Une bonne vieille référence des plus de 40 ans !) et en rougir comme une ado, que je pouvais encore mettre en scène mes folies intérieures, mieux qu’avant même, puisqu’aujourd’hui je me moque de ce que les autres peuvent en penser !

Et c’est certainement là le gros avantage de cet âge (il faut bien qu’il y en ait !), c’est d’enfin vivre pour soi, par soi et plus dans le regard ou pour les autres.

J’aime beaucoup le concept des deux vies et de la deuxième qui commence lorsqu’on prend conscience qu’on en a qu’une. C’est exactement ce que je ressens. Cette envie viscérale de faire ce que j’aime. A 46 ans, je n’ai plus rien à me prouver, je me connais et je sais ce qui est bon pour moi. Je suis comme à 20 ans, sauf que j’ai encore plus envie de dévorer la vie, je ne veux plus perdre de temps, je ne veux privilégier que l’essentiel.

Ne plus me forcer, être avec des gens que j’aime, que je choisis, profiter de chaque instant, pouvoir contempler un saule pleureur 10 minutes entières juste parce que je le trouve beau, m’extasier sur le goût d’une tomate cueillie et dégustée dans le potager de mon père, prendre le temps de me poser, de méditer, de lire ou juste de ne rien faire parce que j’en ai envie.

Et puis écrire. Ecrire pour moi, mais plus seulement, écrire pour être lue, écrire pour partager, assumer enfin cette passion qui m’a toujours animée. Parce que si je devais mourir sans avoir écrit, ça me tuerait… Alors oui peut être que je ne peux plus lire un menu au resto sans mes lunettes, que je ne peux plus me prendre en photo sans filtre, que je ne peux plus me coucher à cinq heures du matin sans en payer le prix pendant une semaine, mais je vis pleinement et en conscience chaque seconde de ma vie.

Il y a sûrement de cela dans l’esprit Suzane Green.

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