La petite fille Lotus
Quand je parle à la petite fille qui est en moi, elle me raconte combien j’étais heureuse enfant. Combien j’étais entourée et aimée de toutes parts. Des parents bienveillants et des amis, beaucoup. Comme bon nombre de mammifères, je ne me déplaçais qu’en troupeaux ! J’ai le souvenir d’être appréciée de tous et de ne jamais être seule pour jouer ou plus tard au collège pour parler.
Jamais seule.
Enfin pas tout à fait.
Il y un endroit ou plutôt un moment très angoissant dans ma mémoire.
Le moment où nous faisions des sports d’équipes.
Le moment où il fallait choisir ses équipes.
J’étais toujours seule à la fin.
La dernière sélectionnée, celle dont on se passerait bien.
Cette petite fille là est difficile à consoler. Elle ne comprend pas pourquoi ses amis disparaissaient à cet instant, pourquoi un instituteur n’a jamais eu la bienveillance de la faire choisir, elle, juste une fois.
Difficile de consoler celle devenue au collège le souffre douleur de sa prof d’EPS.
Difficile après un tel passif de trouver du plaisir dans le sport !
Tout simplement impossible d’envisager ne serait-ce que l’idée d’en pratiquer un.
Je ne dis pas que je n’ai pas essayé à deux trois reprises de m’inscrire dans une salle de sports, mais jamais je n’ai tenu plus d’un mois, me sentant toujours celle qui est montrée du doigt, celle qui n’est pas à sa place. Cette petite fille là est tenace !
Je ne dis pas que je n’ai pas essayé à deux trois reprises de courir, mais je terminais inlassablement en sueur, écarlate, à quelques pulsations de l’infarctus au bout de 50 mètres…
Je ne dis pas que je n’ai pas succombé à deux ou trois reprises aux sirènes des appareils qui travaillent pour moi, plateformes vibrantes, « killeuses » de cellulites ou autres électrodes pour blonde paresseuse (que je suis !), mais j’ai rapidement compris que cela ne m’apportait rien.
J’ai donc passé une grande partie de ma vie sans pratiquer aucun sport, sans en ressentir le besoin ni l’envie.
Et puis il y eu ma grossesse et son lot de 30 kilos pour le prix d’un, et puis il y a eu ces années passées assise derrière un ordinateur, et puis il y a eu ce mal de dos comme une ombre silencieuse mais de plus en plus présente.
A plus de 40 ans j’ai enfin compris à quel point il était indispensable que mon corps et mon esprit soient en harmonie.
J’ai enfin compris que nourrir mon esprit ne suffisait plus à nourrir mon âme, que j’avais besoin d’une connexion plus profonde avec mon corps et qu’il fallait que je l’apprivoise, enfin !
Le hasard ne favorisant que les esprits préparés (ce n’est pas moi qui le dis c’est Pasteur !), j’ai un jour poussé la porte du club de yoga de mon quartier…
Un peu parce que c’était tendance, je dois l’avouer, et que je commençais à en entendre parler autour de moi.
Beaucoup parce qu’une amie m’avait avoué avoir soigné son « j’en ai plein le dos » grâce au Yoga.
Passionnément parce que je pensais (naïvement) que ce n’était pas très physique et que forcément cela pouvait me convenir.
A la folie parce que j’en crevais d’envie !
Quand je suis arrivée pour le cours d’essai, quelqu’un m’a précisé qu’il s’agissait de Yoga A Table, je lui ai demandé si c’était parce qu’on mangeait ensemble après, j’ai lu la consternation dans son regard… J’ai compris ensuite que ma surdité précoce (à moins que ce ne soit ma gourmandise légendaire) m’avait joué un sale tour puisqu’il s’agissait en fait de Yoga Hatha, à savoir la version la plus douce de cette discipline qui en compte, je l’appris plus tard, une multitude… Novice, vous avez dit novice ?
J’ai eu la chance de rencontrer de suite le prof qui me convenait. Je pense que les profs de Yoga, c’est un peu comme pour les psys, il faut rencontrer la bonne personne pour que cela fonctionne. C’est ce qu’il s’est passé de suite pour moi. Non, définitivement, il n’y a pas de hasard. J’étais au bon moment, au bon endroit.
Dès les premiers cours j’ai senti la magie opérer. Non pas que je me sois transformée immédiatement en Grande Mère Prajnaparamita, mais j’ai reçu les bienfaits du Yoga comme une offrande.
La respiration tout d’abord qui est un élément essentiel du Yoga. Apprendre à maîtriser son souffle et à le contrôler, notamment dans les moments de stress, a beaucoup aidé l’angoissée qui se glisse parfois (souvent) en moi…
Le travail sur mon corps ensuite. J’ai enfin réussi à communiquer avec ce corps à qui je n’avais offert jusqu’à présent qu’une oreille trop sourde. Certaines postures, m’ont même, je l’avoue, fait découvrir des muscles dont j’ignorais tout à fait l’existence…
Mais le plus beau cadeau que m’a offert la pratique du Yoga, c’est d’avoir consolé cette petite fille intérieure. J’ai pu la prendre par la main et la mettre au centre de la pièce sans qu’elle ne se sente rejetée ou montrée du doigt. Elle est aujourd’hui capable de tenir les postures autant que les autres, parfois même plus longtemps quand son corps le réclame. Elle est à sa place, enfin. Je fais connaissance avec mon corps, je l’écoute, enfin… A plus de 40 ans, il était temps !
Aujourd’hui, le Yoga fait partie intégrante de ma vie. Qu’il pleuve, qu’il vente, je ne manque jamais un cours et au fur et à mesure que j’avance dans sa découverte je l’accueille dans mon quotidien. En vacances aussi j’ai pris pour habitude d’y consacrer du temps, et je ne rêve que d’une chose : une retraite yoga de quelques jours…
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